Ce merveilleux livre d’Esther Delisle tente de refaire l’histoire du fascisme au Québec, depuis la période trouble des années vingt, trente et quarante jusqu’aux années soixante-dix environ. Delisle nous fait voyager à travers les péripéties des Pierre Elliott Trudeau, Charles Gagnon, frère Lahaie, François Hertel, Lionel Groulx, André Laurendeau, Jean Drapeau, Pierre Vallières, Pierre Bourgault, et d’organisations comme l’Action nationale, l’Action catholique, les Jésuites, les Frères Chasseurs, le Quartier Latin, le FLQ et bien d’autres encore. L’auteure fournit beaucoup de cas concrets pour étayer sa thèse.
Ce qui est exceptionnel dans ce livre, en plus de son contenu évidemment, c’est qu’il nous révèle la censure qui règne notre société et dans nos médias de façon éclatante. Eh oui. Cette censure qui est supposée n’exister que dans les dictatures ou les pays communistes existent aussi bel et bien chez nous. Non seulement les ouvrages de Delisle ne sont jamais mentionnés par les médias québécois ou très rarement, non seulement ceux-ci taisent le nom de cette auteure mais, surtout, ils ne parlent jamais des problématiques importantes qu’elle aborde dans ses livres et encore moins dans celui-ci. Le Québec a un héritage fasciste, comme c’est le cas pour bon nombre d’autres pays dans le monde. L’Allemagne, l’Italie, le Portugal, l’Espagne, les pays baltes, l’Argentine, les États-Unis ont tous eu une période ou des courants fascistes, et ce ne sont que quelques exemples.
Essais sur l’imprégnation fasciste au Québec aborde également le passage du fascisme du côté droit du spectre politique vers le côté gauche, événement qui a été particulièrement visible au Québec. Ce fait capital étant en général mal compris ou ignoré par les médias et l’élite universitaire, nous nous retrouvons dans une situation où notre population possède une compréhension folklorique de l’action politique, ingurgitant à droite et à gauche les grossières caricatures présentées par ces même médias qui n’ont d’autres buts que de vendre de la publicité. Être dans les bonnes grâces des grandes corporations est le mot d’ordre. En somme, cet ouvrage d’Esther Delisle nous réconcilie avec la compréhension profonde de notre histoire et de notre peuple et nous fait voir les immenses défis qui l’attendent, pour qu’il puisse un jour réellement se prendre en main au-delà des dérapages totalitaires. À lire absolument.
Esther Delisle, Essais sur l’imprégnation fasciste au Québec, Les Éditions Varia, Montréal, 2002, 258 p.