Je veux prendre quelques instants pour réagir ici à la conférence qu’a prononcé Alexandra Malenfant-Veilleux sur le cours « Éthique et culture religieuse » lors du 79e congrès de l’ACFAS qui se déroule présentement à Sherbrooke et qui se termine aujourd’hui. Lisa-Marie Gervais en a fait un compte-rendu pour Le Devoir que vous pouvez lire dans l’édition du 12 mai 2011. Selon la chercheure, le cours Éthique et culture religieuse fait la promotion de valeurs pluralistes et n’est donc pas neutre ainsi. L’histoire québécoise, avec ses valeurs culturelles et religieuses, devrait primer sur tout autre enseignement. Le cours ECR est un ensemble cohérent de principes moraux qui peut se défendre aussi bien que d’autres systèmes comme l’humanisme ou le catholicisme. La conférence se veut indirectement une critique de la (dernière en date!) réforme par laquelle on privilégie maintenant une approche « par compétences ». Le débat sur le cours ECR met en scène trois grands blocs que l’on peut identifier comme étant d’une part les nationalistes, les laïques et ceux qui veulent décider eux-mêmes, représentés par la « Coalition pour la liberté en éducation ». Le cours ECR a essuyé énormément de critiques depuis le début de son entrée en vigueur et cette conférence de Malenfant-Veilleux, découlant de son mémoire de maîtrise présenté à l’UQTR, ne fait que s’ajouter à cette longue liste.
Or, cette question concerne mon champ d’expertise premier, celui des sciences religieuses. Je m’en voudrais donc de ne pas sauter sur l’occasion pour exprimer mon point de vue. D’abord, le cafouillage du cours ECR s’inscrit dans le cafouillage préalable du multiculturalisme voulu par certains états occidentaux, dont le Canada. Salim Mansour, professeur à l’Université de Western Ontario, nous rappelle en page 1 dans son étude publiée par l’Atlantic Institute for Market Studies et intitulée The Muddle of Multiculturalism, un échange ayant eu lieu entre Pierre-Elliott Trudeau et John Bryden, député libéral. Trudeau était de passage au Parlement d’Ottawa au milieu des années 1990 pour participer à un dîner privé en compagnie d’une douzaine d’invités triés sur le volet. Bryden aurait alors demandé à Trudeau si cela avait été son intention, lorsqu’il a mis en place la politique de multiculturalisme, de faire en sorte que les immigrants considèrent d’abord leur origine ethnique avant leur citoyenneté canadienne. Trudeau aurait répondu par la négative. Bryden, lors d’une entrevue accordée au journaliste Chris Cobb du Ottawa Citizen une dizaine d’années plus tard, confie que pour lui Trudeau était déçu que le gouvernement Mulroney ait détourné la politique du multiculturalisme afin de l’utiliser pour noyer le nationalisme québécois, en célébrant l’ethnicité d’origine des immigrants et non leur nouvelle identité canadienne. Mais le problème pour les Québécois et aussi pour les Canadiens, c’est que nous devons vivre avec les conséquences désastreuses de ce virage. Continuer la lecture