Un dossier présenté par Pierre-André Normandin dans La Presse du 4 août 2011 fait état d’une conversation compromettante tenue en 2000 entre Adil Charkaoui et Abousfian Abdelrazik ayant eu pour objet le plan de faire sauter un avion entre Montréal et Paris. Benoît Dutrizac s’entretient avec le journaliste ici en première partie. En deuxième partie du segment audio, l’ancien chef du SCRS, Michel Juneau-Katsuya, intervient sur le sujet. La conversation est intéressante car elle touche plusieurs choses importantes. Je ne vais pas vous les énumérer point par point. Je vous propose de l’écouter, ce sera mieux. Je vais plutôt concentrer mon commentaire sur un point précis que voici. Quelques minutes après le début de la conversation, Juneau-Katsuya fait remarquer à l’animateur que le Canada est relativement juvénile en ce qui concerne la gestion du terrorisme, et le cas Charkaoui-Abdelrazik est éloquent. Or, j’aimerais renchérir sur ce propos. Disons les choses telles qu’elles sont, le Canada souffre d’infantilisme, d’immaturité et de naïveté en ce qui concerne le domaine du renseignement et de la sécurité, et pour une raison fort simple. En effet, le Canada ayant bénéficié de la protection des États-Unis après la Deuxième Guerre Mondiale et de celle de la Grande-Bretagne jusqu’à celle-ci, l’intelligentsia politique et stratégique canadienne a eu tendance, je crois, à se déresponsabiliser de cette sphère de la gestion des affaires de l’état. Concrètement, ce qui se passait sur le terrain, c’est que le Canada laissait aux États-Unis le soin de s’acquitter des sales besognes, parfois dégueulasses, à accomplir pour assurer la sécurité des citoyens de l’Amérique du Nord. Le problème, c’est que pendant tout ce temps, le Canada n’a pas développé sa propre expertise dans le domaine du renseignement. En se fiant trop sur les Américains, les Canadiens ont oublié qu’ils vivaient dans un pays souverain qui doit gérer ses affaires lui-même.
Aussi, et ceux qui sont des habitués de ce blog me voient venir, la situation politique aux États-Unis est inquiétante, tout le monde le sait. Selon mon évaluation personnelle et selon les différents signes et indices qui se manifestent au sud de la frontière, je m’attends à un effondrement des États-Unis dans les dix prochaines années. Et ceci veux dire une chose très claire pour les Canadiens en termes de renseignement: nous sommes dans la merde. N’ayant jamais assumé nos responsabilités dans ce domaine ni durant le « protectorat » britannique ni depuis que ce sont les Américains qui s’en chargent, nous allons nous retrouver comme des gamins pris au beau milieu d’une bande de mafieux, malfrats, enragés et fiers-à-bras. En effet, certains pays qui se retiennent d’essayer de venir piller nos ressources naturelles (sans notre consentement…) et s’emparer de notre territoire par la force parce que les Américains sont là, eh bien ils n’auront plus cette gêne dès lors que les États-Unis n’existeront plus et que les républiques autonomes qui en résulteront vont s’entre-déchirer entre elles pour des parcelles de territoires et pour le contrôle des ressources.
En clair, voici la situation. Le Canada dispose d’une fenêtre d’environ dix ans pour arriver à maturité sur le plan du renseignement et de la sécurité. Après, il sera trop tard. Il faut faire vite. Monsieur Juneau-Katsuya me semble un type bien qui a un bon jugement. Je crois que cela n’est vraiment pas le temps de laisser partir à la retraite des gens d’expérience comme cela, il faut les retenir. Aussi, je crois que nous n’aurons pas le choix d’aller chercher des gens de l’extérieur de pays pour nous aider à combler ce déficit dans le domaine du renseignement. Le Canada entretient des bonnes relations avec, en plus des États-Unis, Israel, la Grande-Bretagne et d’autres. Il y a sûrement des gens d’expérience dans ces pays qui peuvent venir se greffer à nos unités de renseignement.
Dix ans…pour combler un déficit de plusieurs décennies. Je sais que cela a l’air énorme mais on a pas le choix de toute façon.