Les révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage des communications de citoyens américains et étrangers effectué par la NSA font la manchette depuis plusieurs semaines déjà et provoquent des réactions épidermiques partout chez la classe politique locale et internationale. Mais, pour bien comprendre ce qui est en jeu ici, encore faut-il voir le problème dans son essence même et non pas perdre son temps avec des balivernes. En fait, ce que Snowden a « révélé » est une très vieille nouvelle. Tout le monde était au courant…parce que tout le monde le fait. L’espionnage est au moins aussi vieux que la politique. Ça fait des millénaires que les pays et les empires, alliés ou ennemis, s’espionnent mutuellement car ils recherchent tous la même chose: le pouvoir, le territoire et les ressources. Alors de voir ainsi les Merkel, Hollande et autres dirigeants politiques faire les vierges offensées face à ces « graves révélations » d’Edward Snowden fait rire. Vous pouvez gager votre chemise que dans chaque pays il y a au moins une agence de renseignement qui fait exactement la même chose que la NSA. Peut-être pas aussi efficacement, peut-être pas avec les mêmes moyens, mais chaque pays investit beaucoup d’énergie et de ressources dans ce domaine car c’est la nature même du jeu politique. Le fait que les États-Unis sont supposés être un « allié » de la France ou de l’Allemagne n’a rien à voir avec ce qui est en cause. Les pays veulent du renseignement car le renseignement, c’est le nerf de la guerre.
Nous vivons à l’ère de Big Brother et du Meilleur des Mondes. Le socialisme a triomphé. L’invention du terrorisme, ou sa récupération en fait par l’oligarchie qui gouverne le monde, a réussi à atteindre ce but ultime pour tous les États du monde: pouvoir fourrer leur nez partout dans la vie privée des gens, sans raison, sans motif et sans mandat. Le goulag en Union Soviétique qui était une installation située en un lieu géographique précis a été étendu à la grandeur du globe. C’est la Terre qui est le goulag maintenant. Nous sommes observés jour et nuit par des caméras, des satellites, des agents de renseignement, des espions, et tout ça évidemment pour notre « bien »… Vous pensez pouvoir travailler tranquillement quand votre patron n’est pas là, loin de son regard? Détrompez-vous. Des caméras cachées et parfois même des micros enregistrent vos moindres faits et gestes sur votre lieu de travail. Votre patron sait quand vous prenez votre pause, si vous vous décrottez le nez, ce que vous mangez à votre poste de travail, et surtout, avec qui et quand vous avez des relations sexuelles dans les toilettes. Vous pensez pouvoir relaxer sur une place publique lors d’une journée de congé? Vous pouvez relaxer évidemment mais une caméra de surveillance installée sur le toit d’un immeuble ou d’un lampadaire vous observera. Si votre visage est connu des services de renseignement, un logiciel de reconnaissance faciale vous repérera tout de suite. Une voiture de police passera probablement pour jeter un coup d’oeil à ce que vous faites. Vous croyez pouvoir chanter dans votre douche en toute intimité et pouvoir « fausser » la note sans que cela ne choque personne? Détrompez-vous. Un satellite pointe sur vous et votre performance est enregistrée. Un agent de renseignement l’analysera et, selon le cas, rira de vous ou au contraire placera votre nom en priorité si jamais vous soumettez votre candidature au concours American Idol ou si vous envoyez un démo chez une compagnie de disques. Vous pensez que ce que vous achetez au supermarché ne regarde que vous? Détrompez-vous. Si vous payez avec une carte bancaire, quelqu’un accédera à la transaction, regardera ce que vous achetez et refilera l’information à des compagnies qui pourront l’utiliser pour leurs stratégies de marketing, cibler leur marché de vente, etc.
Ce ne sont ici que quelques exemples qui démontrent la futilité de croire ne serait-ce que le moindrement au concept de « vie privée ». La vie privée n’existe plus. Elle a volé en éclats le jour où les moyens technologiques ont permis aux gouvernements, aux forces policières et aux agences de renseignement d’amasser des quantités invraisemblables d’informations sur les individus. Il ne sert plus à rien de prétendre que nous en ayons encore une. C’est pourquoi s’offusquer des « révélations » d’Edward Snowden est naif. Tout le monde observe tout le monde. Tout le monde est devenu journaliste et délateur. Des milliers de manifestations ont lieu chaque jour dans le monde, lors desquelles les partisans de telle cause filment leurs adversaires et vice versa. Lorsqu’il arrive un accident important ou un crime, les citoyens sont présents sur place à filmer bien avant les journalistes. Nous devons réaliser que la plateforme Facebook n’est que la version web du phénomène de la perte de la vie privée. Où tout cela va-t-il nous mener? C’est dur à dire à ce stade-ci, mais à moins d’un changement de cap majeur, j’ai de la misère à concevoir que cela pourrait nous mener à autre chose qu’à la pire tyrannie que le monde ait connu.