Le Canada et le Québec sont-ils des démocraties ou des régimes monarchiques? On aurait tendance à croire en la deuxième hypothèse, si l’on se fie aux rapports incestueux qu’entretiennent les acteurs politiques et économiques canadiens et québécois avec la famille Desmarais. Si quelqu’un entrevoit de faire une carrière politique dans ce pays, c’est à se demander s’il n’est pas obligé d’emblée de faire génuflexion et de prêter obédience auprès de cette famille et de son patriarche sinon, il risque de ne pas aller bien loin. Le domaine de Sagard, propriété de la famille Desmarais, donne l’impression d’un régime autarcique, féodal, monarchique, tels qu’on les voyait au Moyen-Âge. Normand Lester donne l’exemple dans l’entrevue qui suit d’une quinzaine d’entités politiques à travers le monde possédant un territoire plus petit que la propriété de Sagard. À Sagard, on y pratique la chasse au faisan, la chasse à courre, et toutes sortes d’autres choses sûrement bien agréables, tout cela agrémenté par un régiment de domestiques.
Il y a certaines choses qui me font tiquer avec la famille Desmarais et cette dernière controverse autour de Michael Sabia ne fait que s’ajouter à une longue liste. Tout d’abord, et sur une note plus humoristique, le nom du village, Sagard, ressemble à la contraction de deux noms d’origine nordique: l’islandais saga, qu’on peut traduire par récit, et le norse Midgard, qui signifie « enceinte du milieu ». Le domaine de Sagard serait-il un lieu où l’on voudrait réécrire l’histoire tout en y trouvant refuge à la fois? Deuxièmement, on se demande comment cette famille a pu devenir aussi riche. Les Desmarais ont commencé leurs activités dans le secteur des pâtes et papiers et y ont fait de l’argent, mais les pâtes et papiers, ce n’est quand même pas le pétrole ni l’armement. Normand Lester nous apprend ici que le domaine de Sagard, qui avait été construit à l’origine pour servir de centre touristique, a changé de mains à quelques reprises pour aboutir dans celles de la famille Desmarais…pour la modique somme de $1, alors qu’il est évalué à une somme se situant entre 50 et 70 millions de dollars. Power Corporation, propriété de la famille, s’est cédé le domaine à elle-même.
On pourrait faire l’analyse pendant des heures de tout ce qui est étrange autour de la famille Desmarais mais je crois qu’il est plus pertinent de faire une réflexion d’ensemble sur l’état de la démocratie. La démocratie moderne a été fondée au dix-huitième siècle alors que la France et les États-Unis se sont débarrassés de leur inféodation à la monarchie. Mais, lorsqu’on regarde cela de plus près, les choses ont-elles vraiment changé? Dans la Grèce antique, les politiciens, que l’on appelait sophistes à l’époque, étaient à l’emploi de patrons dont ils étaient chargés de faire avancer les intérêts. Concrètement, les sophistes étaient des gens habiles avec la parole qui allaient sur la place publique débattre avec les autres sophistes des enjeux sociaux. Les patrons auraient pu se représenter eux-mêmes mais on comprend que tous n’étaient pas forcément des bons parleurs. Or, lorsque l’on regarde le nombre de premiers ministres et ministres canadiens et québécois qui ont été à l’emploi de Power Corporation et des Desmarais avant de commencer leur carrière politique, on ne peut que se dire que tous ces gens, au fond, n’étaient que des valets au service de cette puissante famille, à commencer par Martin Cauchon, ancien ministre du gouvernement libéral fédéral, qui avait été, littéralement, valet au domaine de Sagard avant son entrée en politique. Et cela, c’est sans mentionner l’ascension fulgurante de Nicolas Sarkozy au poste de Président de la Rébublique de France. Franchement, avec le recul, on se demande bien ce que ce dernier peut bien faire là.
Le vingtième siècle a vu se mettre en place un incroyable processus de concentration économique et de concentration du capital. Le fascisme européen mais spécialement les fascisme allemand et italien ont permis à toute une série de fonds d’investissement, de multinationales, de compagnies émettrices d’actions, de sociétés de spéculation financière, de holdings, de banques, etc, de voir leur taille et leur capitalisation s’apprécier considérablement pendant et après la Deuxième Guerre Mondiale, et ce en dépit de l’effort de reconstruction d’après-guerre, parce qu’ils ont profité, directement ou indirectement, du pillage des richesses des Juifs et des différents peuples européens occupés par les Nazis. Pour en savoir plus et pour connaître ce qui est arrivé avec tout cet argent, vous pouvez consulter la revue de livre que j’ai faite de Martin Bormann Nazi in Exile. Il faut bien dire que la guerre profite toujours aux vainqueurs et aux mieux nantis de la société plutôt qu’à la vaste majorité de ceux qui constitue la masse de la population. Or, depuis quelques décennies, on voit émerger aux quatre coins du globe des individus, des familles et des clans qui ne semblent plus obéir à aucune loi, ni nationale ni internationale. Que ce soient les Rockefeller ou les Bush aux États-Unis, les Desmarais au Canada, les Thyssen en Allemagne parmi tant d’autres, les Cheikhs du pétrole d’Arabie Saoudite, des pays du Golfe ou encore la famille ben Laden qui est très riche, certains gens sont devenus des transnationaux, des mondialistes ne répondant plus à aucune loi locale. Où ce processus va-t-il s’arrêter? Va-t-il rester encore des cultures locales et des nations souveraines après que les vents de la mondialisation auront fini de souffler sur nos terres? Cela prendra combien de trilliards pour assouvir la soif de richesses et de pouvoir de ces transnationaux? En plus de la chronique de Normand Lester, je vous propose une entrevue de Benoit Dutrizac avec Robin Philpot, qui a écrit un ouvrage sur la famille Desmarais. Aussi, si vous désirez en savoir plus sur le travail de Robin Philpot, vous pouvez consulter cet article précédent où l’on peut voir une de ces conférences.
C’est hyper intéressant tout ça 🙂