Le câble de WikiLeaks publié dans Le Devoir sur les relations entre les hommes politiques canadiens et québécois et Power Corporation a fait beaucoup jaser depuis hier. Envoyé à Washington en 2009 par le nouvel ambassadeur des États-Unis au Canada, David Jacobson, le document met en lumière le questionnement de l’ambassadeur quant au niveau d’influence réelle qu’exerce Power Corporation sur la vie politique canadienne et québécoise. Le câble mentionne également les investissements de Power dans une société pétrolière française, Total, ainsi que dans les sables bitumineux de l’Alberta. L’ambassadeur donne en exemple le comportement de Jean Charest lors du sommet environnemental de Copenhague, où le Premier Ministre du Québec semble avoir adouci sa rhétorique contre le gouvernement Harper et ses politiques sur les gaz à effets de serre.
Je vous propose ici le vidéo d’une conférence que Robin Philpot, auteur du livre Derrière l’État Desmarais: Power a donné au siège de la Société St-Jean-Baptiste voilà quelques années suite à la parution de son livre, ainsi qu’une entrevue donnée sur un ton plus humouristique à l’animateur de radio Benoît Dutrizac du 98,5 FM. Dans le vidéo de la conférence, on y apprend entre autres qu’à peu près rien n’a été publié sur l’empire Desmarais ou Power Corporation à ce jour. Les bibliothèques sont vides, alors que dans n’importe quel autre pays du monde, des dizaines de livres seraient consacrés à une famille aussi importante. Aussi, il semble avoir un vide médiatique autour des Desmarais, comme si on ne pouvait pas parler de cette famille-là ni de leurs affaires. Philpot y fait le tour du parcours financier et monétaire de l’empire et présente comment il s’est constitué. La fortune de la famille a commencé à se matérialiser grâce à l’industrie de l’hydro-électricité, avant que l’État québécois ne la nationalise. Avec les années, plusieurs entreprises se sont ajoutées au holding Desmarais comme Great West, Investors, etc. En de nombreuses occasions, la famille Desmarais a bénéficié de l’aide de l’État québécois ou canadien pour faire l’acquisition d’entreprises ou pour en prendre le contrôle et voilà quelques décennies, de généreuses subventions gouvernementales lui ont été accordées afin de moderniser la machinerie de l’industrie forestière. Or, depuis 1989, l’empire Desmarais n’a pas réinvesti un seul sou dans l’économie québécoise, ce qui est vraiment troublant. Leurs capitaux ont plutôt été placés aux États-Unis, en Chine, etc.
Par ailleurs, Paul Desmarais senior semble avoir vécu des épisodes flagrants de racisme anti canadien-français, alors que l’establishment canadien-anglais lui a fermé les portes de certains clubs privés ou de certaines options d’achat d’entreprises de tradition canadienne-anglaise. On pense entre autres à l’acquisition de la compagnie Canadien Pacifique, qui aurait été bloquée de cette façon-là. À ce sujet, paraît-il, selon Philpot, que René Lévesque se plaisait à décrire Paul Desmarais comme étant un « roi nègre »… Monsieur le juge, ce n’est pas moi qui le dit… En gros, les Desmarais semblent bénéficier d’une ligne directe avec les politiciens québécois, canadiens et maintenant français, ce qui leur permet vraisemblablement d’influencer le processus de prise de décision, voire même de le dicter. Le travail de recherche qu’a fait Philpot sur la famille Desmarais se rapproche passablement de ce que Russ Baker a accompli sur la famille Bush et qu’il présente dans le livre Family of Secrets. Vous pouvez lire une revue de cet ouvrage en anglais sur ce site, en cliquant ici.
Voici ma réflexion sur le sujet. La raison pour laquelle il y a un tel blackout de communication médiatique et littéraire autour de la famille Desmarais tient au fait que l’économie canadienne est relativement petite comparée à l’économie américaine, anglaise ou allemande. Aux États-Unis par exemple, des familles comme les Desmarais, il y en a probablement plusieurs dizaines. Si on a l’impression que les Desmarais en mènent large, plus en fait qu’ils ne le devraient, c’est probablement en raison du fait qu’ils sont seuls, ou presque, avec une telle fortune au Canada. La compétition, comme dans n’importe quel autre domaine, amène toujours une meilleure transparence et des meilleurs comportements. Pour ce qui est du niveau d’influence que la famille exerce, je dirais que c’est partout pareil: c’est celui qui paye qui a le pouvoir et qui prend les décisions. Les campagnes électorales coûtant des fortunes, il est irréaliste de penser que les politiciens mènent vraiment quoi que ce soit dans n’importe quel pays. C’est l’argent qui mène. Pour l’instant le Canada est géré comme une colonie parce qu’il n’y pas de volonté politique de faire du Canada autre chose. Tant que cette volonté de se matérialisera pas, le Canada restera une république de bananes se targuant d’être membre du G8. Je tenais tout de même à vous présenter ce dossier. Il est important que l’on en sache ce qui se passe dans notre propre cour.
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