La perquisition de la SQ chez Éric-Yvan Lemay: Les conséquences du 11 septembre viennent d’arriver au Québec

Des enquêteurs de la SQ ont effectué une perquisition chez le journaliste Éric-Yvan Lemay du Journal de Montréal à 6h45 jeudi matin le 15 mars. La SQ reproche à Lemay d’avoir photographié et publié le contenu de dossiers médicaux contenant des renseignements identifiants. Elle fait donc enquête pour déterminer si Lemay, par hasard, ne se livrerait pas à du trafic de renseignements. C’est la raison officielle qui est invoquée pour justifier l’opération. Plusieurs ont décrié cette perquisition comme étant une atteinte à la liberté de presse et une dérive inadmissible dans une société démocratique. Des membres de Quebecor, de la FPJQ et du Parti Québécois ont tous abondé en ce sens. En tous cas, cette perquisition pose certainement le problème du comportement du gouvernement Charest, lui qui en a eu plein les bras depuis deux ans avec le dossier de la corruption présenté par la presse québécoise. Et elle pose également le problème de l’agenda politique de la SQ elle-même. Parmi les questions que je me pose, il y a celles-ci: Qui a pris la décision de faire une perquisition chez Lemay? Sur quels motifs se base-t-on pour prétendre que ce dernier se livrerait à du trafic de renseignements identifiants, lui qui est journaliste médical? Pourquoi faire une perquisition à son domicile pour commencer, puisque la SQ pouvait aller le rencontrer au Journal de Montréal? Et pourquoi se rendre chez lui à 6h45 du matin, si ce n’est dans le but de l’intimider et de terroriser ses enfants?

Cette « perquisition » selon moi, pour être comprise, doit être replacée dans le contexte de la dégringolade démocratique et idéologique qui a suivi le 11 septembre 2001. Cet événement a définitivement secoué le monde libre, avec le résultat que nos sociétés ont perdu leurs repères. Elle est le reflet que, petit à petit, nos sociétés dite « démocratiques » le sont de moins en moins, en fait. Et ainsi, on en vient à se demander qui seront les prochains « élus » de cette nouvelle inquisition. Les Daniel Leblanc, Alain Gravel et autres grands reporters québécois, eux qui sont déjà si peu nombreux, seront-ils les suivants à être inquiétés par la police, que ce soit la police municipale, provinciale ou fédérale? Dans un reportage précédent, je vous ai présenté le cas des opérations « Mr Big » de la GRC, qui sont sûrement bien adéquates dans des pays de dictature ou totalitaires, mais qui ne le sont pas en démocratie. Cet événement malheureux risque de créer un précédent qui justifiera dans le futur d’autres atteintes à la liberté d’expression et de la presse, de journalistes, de blogueurs, d’écrivains, de chercheurs, de sociologues, etc. Moi qui croyais que le Québec réussirait à éviter de sombrer dans le fascisme, contrairement aux États-Unis et à l’Europe, décidément, j’étais bien naïf. On vient de rentrer en plein dedans. Je vous propose une entrevue avec Danny Doucet, rédacteur en chef du Journal de Montréal.

Danny Doucet du Journal de Montréal

Le reportage de l’émission Enquête sur les opérations Mr Big: À mi-chemin entre les techniques policières et les opérations clandestines

Ce reportage de l’émission Enquête de Radio-Canada sur les opérations policières de type « Mr Big » laisse un goût amer. On aurait pensé, dans un pays comme le Canada où supposément la démocratie libérale se porte bien, que ce genre de tactiques ou de méthodes policières sont utilisées plutôt rarement. Eh bien, non. Il semblerait qu’elles soient fréquentes. Les deux cas présentés dans le reportage, celui d’Alain Perreault, et celui de Sebastian Burns et Atif Rafay, nous montrent comment certains corps policiers canadiens utilisent ces techniques pour pouvoir incriminer des suspects dans des dossiers où les preuves sont difficiles à obtenir. Ils « vont à la pêche », autrement dit, et cela leur permet presque toujours non seulement de porter des accusations mais aussi d’obtenir des condamnations. Dans le dossier de Sebastian Burns et Atif Rafay, vous aurez l’occasion de voir mon collègue Daniel Laprès, qui a suivi le dossier de près, sans jeu de mots, pendant plusieurs années.

En gros, je dirais que ce genre de techniques me semble dépasser largement le cadre du mandat des forces policières, qui est celui d’accumuler des preuves concernant des crimes qui ont été commis, pour ensuite procéder en cour lorsque le procureur estime qu’il y a suffisamment de matériel pour accuser quelqu’un. Avec les opérations de type « Mr Big », on se retrouve dans un monde où les opérations policières normales côtoient l’univers lugubre des opérations clandestines des services de renseignement et le monde du crime. Cela nous rappelle à tous, peu importe qui nous sommes, en ces temps de descente dans les bas-fonds du fascisme, que personne n’est désormais plus en sécurité. Avant, il suffisait à un individu de payer ses impôts, de ne pas commettre de crime, de travailler, de ne pas emmerder ses voisins, pour avoir la paix et ne pas avoir d’ennuis. Mais plus maintenant. Ceux qui dirigent la société, avec tous leurs sbires et collabos, peuvent décider, n’importe quand, au moment où cela fait leur affaire, de monter une opération contre quelqu’un pour le foutre en prison. Plus personne n’est en sécurité et ça, ce n’est pas la faute à ben Laden. Le problème se situe plutôt entre les deux oreilles de nos élites politiques et économiques. Mais à quoi bon suivre et obéir à toutes ces lois si l’on peut se faire « framer » à tout moment par des scénarios de cinéma? Continuer la lecture