L’ancien économiste de la Banque Centrale Européenne, qui a joint les rangs de l’Union Populaire Républicaine, récidive avec une autre excellente conférence. La situation actuelle de la Grèce, qui vient tout juste de rater ses obligations financières en date d’aujourd’hui, rend cette conférence tout à fait à propos. L’éventualité qu’elle sorte de la zone euro est de plus en plus probable, puisqu’il ne semble pas y avoir d’autres solutions. Entre autres points très pertinents abordés par l’économiste, on retrouve les observations suivantes. Tout d’abord la liste des grandes puissances n’a pas beaucoup évoluée depuis les dernières décennies, puisqu’il est difficile d’accéder à ce club sélect pour diverses raisons. Les États-Unis ont réussi à se hisser à ce niveau de façon très rapide, ce qui a donné aux Américains un avantage sur leurs rivaux. Il rappelle que le budget militaire américain est supérieur à ceux des toutes les autres grandes puissances combinés. Les États-Unis ont eu donc tendance à construire des bases militaires dans les pays qu’ils ont conquis ou vassalisés. Lors de la construction de l’Union Européenne, un grand transfert de souveraineté s’est effectué des états-nations d’alors vers des structures supranationales que sont l’OTAN, l’UE et l’Euro. Ce transfert de souveraineté a laissé les pays membres de cette construction supranationale sans défense face à diverses manœuvres pour affaiblir leur spécificité nationale, telles les privatisations, les partenariats économiques avec perte de contrôle majoritaire, la perte de standards locaux exprimant la culture locale, etc.
Aussi, Brousseau attire notre attention sur le fait que l’Euro n’est ni une monnaie unique ni une monnaie commune. En fait, il s’agit d’une série de monnaies nationales unies avec un taux de change de 1 pour 1. Les dépôts des citoyens et corporations situés dans un pays créent des créances sur la Banque Centrale de ce pays. Si la zone euro explose, ce qui risque d’arriver bientôt, chaque pays retrouvera sa monnaie nationale, et les dettes, dépôts et actifs présents dans les banques locales seront libellés dans chaque monnaie nationale respective, sans dépréciation par rapport à l’Euro, puisque la zone euro garantit un taux de change 1 pour 1. Néanmoins, cet avantage sera néfaste pour les pays plus riches comme l’Allemagne. En effet, beaucoup d’épargnants et d’investisseurs de pays en difficulté, craignant un effondrement de l’Euro, ont transféré leurs avoirs dans des banques allemandes. Comme les dépôts créent des créances sur la Banque Centrale locale, dans ce cas-ci la Bundesbank, si l’Euro s’effondre, leurs dépôts seront automatiquement convertis en Deutsch Mark, ce qui pour certains, fera certainement la différence entre la faillite et la prospérité. Vincent Brousseau fait remarquer durant sa présentation que beaucoup sont inquiets de ce phénomène à la BCE et à la Bundesbank. Brousseau parle même de « créances toxiques », puisqu’il s’agit là d’un poids financier énorme. L’économiste signale aussi certains événements survenus dans le monde de l’économie qui ont pu amener la zone euro dans cette situation, comme par exemple la fin du marché monétaire interbancaire en 2008, la faillite de Lehman Brothers, etc.
Je m’en voudrais de vous laisser aller sans signaler deux moments suaves de cette conférence. Tout d’abord, vers 40:00 minutes, Brousseau cite une lettre de 1943 de Jean Monnet à Harry Hopkins, conseiller politique du Président Roosevelt. En substance, Monnet dit à Hopkins que le Général de Gaulle est un ennemi du peuple français et de la construction européenne, qu’on ne peut pas s’entendre avec lui et qu’il doit être détruit. Rien de moins. Or, fait extrêmement intéressant, l’écrivaine Diana West a identifié Harry Hopkins, dans son merveilleux livre American Betrayal, comme ayant été un agent de l’Union Soviétique…Brousseau suggère que Monnet était en fait lui-même un employé de Hopkins. Beaucoup d’analystes politiques ont remarqué les similitudes entre l’Union Soviétique et l’Union Européenne et ce genre de connivences politiques montre bien le jeu d’influence qui a pu avoir lieu alors que le projet de la construction européenne prenait forme. Autre élément intéressant, tout de suite après, vers 42:30 minutes, le conférencier attire notre attention sur une réunion tenue le 11 juin 1965, lors de laquelle Robert Marjolin suggère au Département d’État américain une union monétaire entre les pays européens, ce qui est une autre preuve que l’intégration monétaire de l’Europe était dans les cartons depuis longtemps et manifestait une volonté politique et idéologique. Robert Marjolin était-il lui aussi sous influence de l’Union Soviétique? Bonne question. Brousseau parle de la « Méthode Monnet » pour imposer aux peuples européens des structures qui les réduisent de plus en plus en esclavage. Cette méthode consiste à présenter que le point A rend obligatoire le point B. Par exemple, on entend souvent les partisans de l’Euro nous dire que pour que l’Euro fonctionne, il faut l’union budgétaire. Or, ces mêmes partisans avaient dit que pour que l’union politique fonctionne, il fallait l’union monétaire, et ainsi de suite.
Cette conférence est à voir absolument. Pour revenir au sujet de la Grèce, ce seront les Grecs qui vont décider de leur avenir. Mais une chose est sûre. Une sortie concertée de la zone euro serait préférable à son éclatement soudain. Il est plus facile de contrôler les conséquences d’une action lorsqu’on l’initie que lorsqu’on la subit. Que la zone euro soit abolie ne serait pas un échec mais plutôt un signe de sagesse élémentaire. Malheureusement, je crains que la caste politique au pouvoir à Bruxelles ne partage pas mon avis. La fin de la zone euro serait sans doute ce qui pourrait arriver de mieux à l’Europe dans les circonstances.